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Défense des pères dans la séparation parentale : la Loi du Ventre ? par Maître François BOUCHER

QUELLE PLACE POUR LE PERE DANS LA JUSTICE DES AFFAIRES FAMILIALES ?

La Loi du Ventre ?

Par François BOUCHER, Avocat spécialisé en droit de la famille

Extrait de « La Terre des Morts » de Jean-Christophe GRANGE :

Avocate : Peu importe, fit-elle en soufflant une nouvelle volute. Le problème est que vous êtes le père. Même pour la garde alternée, il faudra mener une bataille serrée.

Corso : On m’a dit que les juges étaient maintenant plus favorables aux pères.

Avocate : Faux. Tant que l’enfant est petit, la plupart des magistrats estiment qu’il doit rester auprès de la mère. Même si elle travaille, même si elle ne dispose pas de plus de temps que son ex pour s’en occuper. Et pour dire la vérité, même si elle a des torts objectifs, une mère aura toujours raison contre le père. On appelle ça « la loi du ventre ».

Alors, les Juges favorisent-ils la mère en cas de séparation parentale ? Que disent les chiffres ?

 

Au premier abord // le constat est évident : la mère semble largement privilégiée puisque dans 73 % des cas, la résidence principale des enfants est fixée chez la mère (20 % en résidence alternée et 7 % chez le père).

Lorsque l’enfant a moins de 6 ans, le pourcentage passe même à 82 % (10 % de résidence alternée).

 

Mais en y regardant de plus près // ce n’est pas forcément aussi simple puisque dans 80 % des cas, la décision du juge résulte d’un accord parental, ce qui signifie que la résidence principale a été fixée chez la mère avec l’approbation du père.

 

Ainsi pour se faire une idée plus juste // il faut regarder les décisions prises par le Juge dans les 20 % de dossiers conflictuels, c’est-à-dire lorsque les deux parents demandent la résidence principale ou lorsqu’un seul des deux propose une résidence alternée…

 

Réponse : dans 50 à 60 % des dossiers, la résidence principale des enfants est fixée chez la mère.

 

La mère reste donc largement privilégiée, même si la résidence alternée a tendance à faire évoluer les choses puisque, depuis 20 ans, leur nombre a doublé.

 

A ce titre, la motivation de certaines décisions de Cour d’appel est éloquente et témoigne d’un maintien persistant des stéréotypes du genre :

  • Cour d’appel de Paris pôle 3, ch. 2, 11 oct. 2016, n° 16/11483 : les Juge considèrent qu’il ne peut être fait abstraction du très jeune âge des enfants “dont le développement psycho-affectif nécessite à cet âge, certes une présence paternelle, mais encore plus une présence maternelle”.
  • Cour d’appel de Besançon 2° ch, 23 juin 2017, n° 16/00481 : la Cour est allée jusqu’à établir une présomption en faveur de la mère en affirmant qu’un très jeune enfant “doit être présumé avoir un besoin de maternage qui commande dans son intérêt de privilégier la résidence maternelle”.

 

La mère peut même parfois rester encore privilégiée lorsque cette dernière a pourtant fait obstacle aux relations entre le père et l’enfant :

  • Cour d’appel de Nîmes 26 oct. 2016 : fixe la résidence de l’enfant chez sa mère qui a pourtant été condamnée pénalement pour non représentation de l’enfant
  • Cour d’appel d’Aix en Provence 26 janv. 2016 : a débouté le père de sa demande de transfert de résidence de ses filles de 3 et 7 ans en considérant qu’elles ont besoin de maternage compte tenu de leur âge, même si la mère a fait obstacle aux liens filles-père, et a fait le choix de déménager sans motif précis loin du père.

 

Il s’agit à chaque fois d’une appréciation personnelle voire subjective du juge puisque le Code civil n’accorde aucune avantage ni aucune préférence à l’un ou l’autre des parents.

 

En tant qu’Avocat masculin spécialisé en droit de la famille, les pères me sollicitent souvent pour assurer leur défense en m’indiquant qu’ils seraient « rassurés » d’être défendu par un homme.

Or, le constat que je fais dans ma pratique judiciaire correspond aux chiffres précités : sauf cas exceptionnel, un père qui demande la résidence principale de son enfant face à l’opposition de la mère a peu de chances de l’obtenir (encore moins si l’enfant est très jeune). Dans le meilleur des cas, il obtiendra une résidence alternée ou un droit de visite et d’hébergement étendu mais, même s’il a objectivement le meilleur dossier la tâche sera rude pour obtenir la « garde » principale…

 

Pour espérer l’obtenir il est indispensable, selon moi, de construire une défense différente de celle que l’on présente lorsque l’on assiste la mère.

(A suivre).

 

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François BOUCHER, Avocat spécialisé en droit de la famille

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